Romain Coudrier
Photographe sélectionné aux Nuits Photographiques de Pierrevert 2025
Né à Vienne (Autriche) en 1992, Romain est marqué par son parcours au lycée. Sa fin de scolarité, rythmée par l’école buissonnière, laisse présager ses futurs questionnements photographiques. Il obtiendra un diplôme en communication et un master en sciences politiques. Durant ces années, il profite de son temps libre pour marcher avec son appareil dans les rues.
Sa première série, Coeurs Orphelins (2016), est le fruit de 2 mois à Katmandou auprès des « enfants des rues », où Romain fait l’expérience d’une écriture personnelle et découvre une approche plus intime de la réalité. De retour en France, après 5 ans en agence de conseil, il se consacre à la photographie.
Cet essoufflement lui inspire J’aime plus Paris (2022), à mi-chemin entre photographie de rue et démarche d’auteur.
Il poursuivra avec deux projets au long cours : Bifröst (2022-2024) et TMPC (2023-2024), à la limite du vagabondage. Son travail est montré dans le cadre de festivals (Rencontres d’Arles OFF, Festival Photo à Besançon, Loosenart à Rome, Impulse à Arles, Moments Collective à Athènes) en galerie (Glasgow Gallery of Photography en Ecosse) ainsi que dans la presse spécialisée (L’Oeil de la photographie, Réponses Photo, Corridor Elephant, OpenEye, FK Magazine, The Pictorial List, 9 Lives Mag…) et généraliste (Nice Matin, Mr Mondialisation, Offtrack Magazine…). Son travail hors-série « Schengen » est publié au format zine aux éditions Docu Magazine.
Il vit et travaille aujourd’hui à Marseille.
Série : « Bifröst »
« Je suis né 900 ans trop tard ». Voici ce que vient de me soupirer cet inconnu à l’oreille au milieu de notre discussion. L’œil torve, l’haleine chaude de vodka, il fait référence à l’époque révolue de ses lointains ancêtres vikings. L’espace d’un shot dans ce bar d’une bourgade perdue du nord de la Norvège, ultime lueur dans l’obscurité environnante, nous partageons le même fantasme anachronique.
Cette rencontre a été la seule dans ma quête pour tenter de saisir le lien originel, mythologique, entre un territoire et tout un imaginaire. La partie de chasse m’a conduit de la ville à la campagne, à travers une palette de paysages rudes, avec un lumière rare. Dans cette ambiance glaciale, une beauté intemporelle côtoie une réalité banale et le silence est roi. J’ai enfilé ma peau de « chien errant » pour proposer une archéologie improvisée et m’immerger dans cette nature brute, berceau d’une grande civilisation, porteuse d’un héritage légendaire. Les vikings et la mythologie nordique.
Ce qui est certain – de plus en plus d’historiens insistent sur ce point – c’est qu’ils étaient au moins autant des marchands que des guerriers… Clin d’oeil au présent où, en dépit des kilomètres parcourus dans ces grands espaces isolés, l’export, le commerce et la consommation sont bien en place. Quant aux Norvégiens, hormis quelques traces dans la neige et certaines rencontres rapides, ils sont absents. Comme partis vers d’autres horizons.
La série prend alors une allure de « polar », avec un noir et blanc granuleux. On cherche quelque chose, sans jamais vraiment mettre le doigt dessus, au milieu d’espaces habités mais pourtant vides. Les époques se confondent, les moments consuméristes sont fondus dans une ambiance primitive. A la façon d’un voile traversant ces moments de part et d’autres et reliant des mondes opposés. Saisissant une temporalité étrange, Bifröst, concept emprunté à l’Edda poétique*, est bien un pont, un va-et-vient entre différents mondes : une géographie inchangée et mystique d’une part, la société contemporaine de l’autre. Entre les deux : la quête de ceux qui vivent là et qui restent absents. *
L’Edda poétique est un ensemble de poèmes en vieux norrois rassemblés dans le Codex Regius, un manuscrit islandais du XIIIe siècle. On y trouve le concept de Bifröst (« chemin scintillant ») désignant l’arc-en-ciel qui fait office de pont entre la Terre (Midgard) et le Ciel (Ásgard, la ville-forteresse des dieux).
Quelques photos de la série : « Bifröst »
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