Emilie Hautier
Photographe sélectionnée aux Nuits Photographiques de Pierrevert 2025
Emilie Hautier est née en 1979, dans la Marne. Le goût de la photographie lui est transmis par son père, comme un moyen de garder mémoire. Formée à Icart-Photo, elle devient photographe indépendante en 1999, spécialisée dans le portrait et le reportage.
Son travail d’auteure questionne la mémoire, les liens entre lieu et individu, et plus récemment les mondes que peuvent se créer les femmes dans la société.
En s’investissant au long cours dans un projet, elle tente de saisir une atmosphère, une poésie. L’attente, le suspendu, l’anodin racontent avec pudeur et tendresse ce qu’il est parfois difficile d’exprimer.
Dans la série « Religieux », elle interroge le rapport à la religion, et comment la pratique religieuse parvient à s’articuler dans notre société. Pour cela elle met en résonnance des phrases extraites d’entretiens menés avec ces sujets et leurs portraits. Ce projet a été exposé à la Maison Clémangis, dans la Marne, en 2012.
Elle dresse ensuite le portrait d’un café de campagne, et de Ginette, sa patronne, questionnant comment cette « femme-totem » a fait de ce lieu son domaine. Ce projet au long court, « Au Rendez-vous des Robins », a été exposé et projeté en France, en Belgique et aux Etats-Unis, publié en France et au Royaume-Uni. Il a fait l’objet d’une monographie éditée chez Créaphis Editions en décembre 2022, accompagnée d’un texte de Pascal Dibie, ethnologue.
Elle a récemment exploré la Maison natale de Colette lors d’une résidence à Saint-Sauveur-en-Puisaye, en Bourgogne. Cette série photographique tente de saisir l’ambiance, la lumière qui a vu grandir l’écrivaine. Un monde en soi, créé par Sido, la mère de Colette. Ce projet va très bientôt faire l’objet d’une auto-édition.
Série : « Lucie et les OVNIS »
J’ai voulu en savoir plus sur la femme, décédée, qui vivait là avant moi, Lucie. J’ai découvert une femme à la forte personnalité. Elle était passionnée d’astronomie, et avait installé, dans le grenier, une estrade devant un grand velux pour observer le ciel. Elle avait aussi fait installer une arrivée de téléphone devant ce velux, et toutes les fenêtres de la maison avaient des rideaux de fers. J’ai interrogé les voisins :
« Quand elle a été toute seule, une fois elle a dit -Elle dormait dans la pièce qui donne sur la rue Basse- elle a vu, elle a soutenu, elle a même fait venir les gendarmes, qu’elle avait vu une soucoupe volante. Et il y avait un rayon lumineux qui venait sur son lit, et depuis ce jour-là elle a eu peur qu’on l’emmène, les martiens ou je ne sais pas, et c’est là qu’elle a fait mettre les grilles aux fenêtres. Ah oui, elle était un peu bizarre, il fallait la connaitre hein. Et après, elle nous dit qu’elle en avait revu, mais… doucement… Comme elle aimait les étoiles, y en avait beaucoup l’été, elle passait la nuit à les regarder à la fenêtre…C’était Lucie, voilà. »
J’ai alors commencé une « enquête poétique ». Partant de ce témoignage, j’ai arpenté et photographié, à la tombée de la nuit, cette rue Basse et son ciel étoilé.
J’ai recherché sur internet, aux archives de l’Yonne, dans des livres d’époque, j’ai suivi la piste de phénomènes aérospatiaux (PANs) observés dans la région, depuis la vague de 1954, comme l’apparition de la Montagne aux Alouettes.
On a observé depuis 1950 des vagues d’intérêt du grand public par phases pour les PANs, souvent associés à la croyance d’une origine extraterrestre. Cela questionne le besoin de croire, dans une société où la place tenue par le catholicisme s’est effondrée (de 87 % en 1972 à 32 % en 2018).
Nombreux sont les appels à témoignages dans la presse locale, on remarque aussi l’ouvrage « Les apparitions de Martiens » de M.Carrouges, offert en 1963 aux écoliers par la Ville de Paris. Les PANs font partie de l’imaginaire collectif dans l’Yonne dès les années 50.
Depuis 2005, en France, 3147 cas ont été déclarés au GEIPAN, Groupe d’Études et d’Informations sur les Phénomènes Aérospatiaux Non-Identifiés, dépendant du CNES. 99 cas n’ont pas pu être identifiés après enquête. Cela représente 3% des cas déclarés.
Le cœur de leur recherche se situe-t-il justement dans l’inexpliqué, le mystère ?
Ces cheminements esquissent les contours, comme une constellation, de cette femme et de cette époque. Comment une femme vivant seule, dans les années 70 / 80, réagit-elle à cette vision ? Comment a-t-elle été perçue, comment cela a-t-il pu impacter sa vie ?
L’œuvre se présentera comme une exploration hybride, mêlant photographies, textes et archives, avec pour support une cartographie comme image fantasmée de l’investigation dans la fiction.
Quelques photos de la série : « Lucie et les OVNIS »
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