Jeanne Fourneau

Photographe sélectionnée aux Nuits Photographiques de Pierrevert 2024

Jeanne Fourneau a 26 ans et est originaire de la banlieue de Lille, entre la ville et les champs de monocultures. Déjà photographe en parallèle de ses études, Jeanne a reçu en 2022 son diplôme de master journalisme en presse écrite au CFJ de Paris avant de se dédier à la photographie documentaire. Son travail raconte des histoires sociales et politiques, souvent décalées, jamais complaisantes. Les minorités de genres évoluant dans l’espace public, avec sa propre découverte du cycloféminisme ; la biodiversité face à la machine productiviste avec un travail sur l’agriculture alternative ou sur les plantes de friches urbaines ; la résilience culturelle suite à l’exploitation massive des sols et des personnes dans le Bassin minier du Nord… Après avoir travaillé au Maroc, en Corse et à Paris, Jeanne revient dans les territoires de son enfance vivre entre Lille et Bruxelles en 2023 pour y développer un regard d’auteurice.

Ses photos ont déjà été publiées dans Le Monde, Libération, Reporterre, Pays, Sphères Magazine, Courrier international, Politis…

Site Internet : www.jeannefourneau.com

Instragram : @jeannefourneau

Série présentée : Ni mari ni moteur

« Libérez les cyclistes enfermé·e·s dans les voitures ! » Dans la nuit noire marseillaise, une vingtaine de cyclistes membres d’un même collectif fend le bitume pour entonner des slogans pro-vélo. « Violence sexiste, riposte cycliste ! » Face aux klaxons, leurs grelots tintent de concert. La tête de cortège de la bien-nommée ‘Collective des Déchaîné·e·s’ poursuit au mégaphone : « Les goudous à deux roues, les tapettes à bicyclette ! »

Les vélorutions existent depuis plusieurs décennies, mais celle-ci se revendique d’un nouveau genre. Il
s’agit d’une ride cycloféministe. Les cyclistes revendiquent toujours l’utilisation du deux roues non motorisé dans des espaces où l’aménagement urbain est surtout propice à la voiture. À cette lutte décroissante, s’ajoutent aussi celles des queer
intersectionnel·les. Au-dehors et dans l’intime, le cycloféminisme utilise le vélo comme outil d’émancipation.

Ce mouvement réclame un rééquilibrage dans la pratique du vélo, qui reste peu accueillant pour les femmes et les personnes queer. Découragements, intimidations, « mansplaining » de la mécanique ou tout simplement interdiction d’utiliser un vélo — qui implique d’adopter une position jugée sexy — sont autant de situations sexistes auxquelles ont dû se confronter nombre de personnes assignées femmes.

Des féministes radicales, des trans et lesbiennes écolos ont ainsi convergé pour créer des collectifs de cyclistes qui utilisent le deux roues dans leur lutte quotidienne pour l’égalité des genres et pour revendiquer leur identité, ensemble. Ni mari, ni moteur.

En France, en Belgique ou en Allemagne, les « cycloféms » organisent événements, rencontres et permanences mécanique en mixité choisie sans hommes cisgenres hétéros. La nuit, iels chantent dans un foyer contre l’état policier ou dans la rue en cortèges, pédalant contre les violences systémiques.

Au-delà d’un loisir écolo, le vélo devenu mode de vie permet à ces personnes de trouver confiance en leurs capacités physiques, d’empouvoirer leur corps et de le revendiquer hors-norme ; de voyager, d’économiser de l’argent, autonomisé·e·s des
transports payants. Il est aussi vecteur de rencontres pour des cyclistes à la recherche d’une communauté queer dans laquelle s’épanouir et exister librement. Entre l’effervescence du groupe et le partage des violences subies en tant que minorités, la
communauté représente un espace de puissance collective aux revendications diverses. Ce travail immersif débuté en 2023 raconte ces personnes en pleine émancipation par le vélo.

Quelques photos de la série : « Ni mari ni moteur »

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